L’auto-diagnostic
L'auto-diagnostic est une pratique de plus en plus courante. Les troubles psychologiques et neurodéveloppementaux, tels que l'autisme, le TDAH et la dépression, sont parmi les conditions les plus souvent explorées par les individus cherchant à comprendre leurs symptômes. Bien que l'auto-diagnostic puisse offrir une première piste de compréhension, il comporte également des risques. Il est important de comprendre qu’en France, il existe un énorme fossé entre l’accès aux soins en santé mentale et l’accès à l’information en ligne. Cela permet d’expliquer en partie pourquoi certain·es n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers l’auto-diagnostic de façon temporaire ou définitive.
L’accès aux soins
Le coût
Les consultations chez les psychiatres et psychologues peuvent être coûteuses. En France, les consultations chez un·e psychiatre conventionné·e secteur 1 sont remboursées par la sécurité sociale, mais cela n'est souvent pas suffisant pour couvrir la totalité des frais. Pour les consultations chez un·e psychologue, les remboursements sont limités, voire inexistants, ce qui rend l'accès aux soins professionnels difficile pour beaucoup de personnes.
De plus, établir un diagnostic précis nécessite généralement des tests spécialisés et des évaluations longues, qui peuvent coûter plusieurs centaines d'euros. Ces frais peuvent être prohibitifs pour celleux sans une assurance santé adéquate ou sans les moyens financiers nécessaires.
L’attente
Les services publics de santé mentale sont habituellement débordés, entraînant des temps d'attente très longs, parfois de plusieurs années. Cette attente peut être insupportable pour les personnes en détresse, les poussant à chercher des réponses par elles-mêmes en attendant une consultation.
Même une fois pris en charge, les délais pour passer des évaluations diagnostiques complètes peuvent être longs. Les patients doivent souvent attendre plusieurs mois pour obtenir une place dans les centres spécialisés, ajoutant à leur frustration et à leur désir de réponses rapides.
Cette attente va d’ailleurs au-delà du diagnostic, puisqu'une fois ce dernier posé il peut être nécessaire de constituer un dossier auprès de la MDPH (Maison départementale des Personnes Handicapées). Les réponses de la part de votre MPDH peuvent mettre entre 4 et 12 mois à arriver. Il faudra attendre encore plusieurs semaines si la réponse est positive avant la mise en place d’aide humaine, financière ou matérielle.
Ainsi, si un diagnostic officiel offre la possibilité d’accéder à des aides particulières, la réalité est que trouver des substituts à ces aides sera nécessaire en les attendant. L’attente peut dissuader certain·es personnes qui préfèreront se tourner directement vers des substituts de façon définitive.
Les stigmatisations
Certaines personnes rapportent des expériences négatives avec des médecins qui minimisent leurs symptômes ou refusent de les écouter. Ce manque de reconnaissance et de compréhension peut dissuader les patient·es de continuer à chercher une aide professionnelle et les encourager à se tourner vers l'auto-diagnostic. La stigmatisation associée aux troubles mentaux et neurodéveloppementaux peut empêcher les individus de rechercher une aide professionnelle. L'auto-diagnostic permet de rechercher des réponses et du soutien de manière anonyme, sans avoir à faire face au jugement d’autrui.
L’accès à l’information
Les ressources en ligne
L'accès à une multitude de ressources en ligne permet aux individus de rechercher et de comparer leurs symptômes avec ceux décrits dans des articles, des forums de discussion et des vidéos. Bien que toutes les sources ne soient pas fiables, cette accessibilité donne l'impression de pouvoir trouver des réponses immédiates.
L’auto-diagnostic ce n’est pas effectuer une recherche internet d’une heure puis déclarer à son entourage personnel et professionnel que l’on est ou que l’on a X ou Y condition. Il s’agit de trouver des sites relayant les articles scientifiques, les conférences, les colloques, etc. De lire ces données, d’en comprendre le jargon, de fouiller les bibliographies à la recherche d’outils diagnostic. De s’auto-analyser pendant des jours, parfois durant des mois pour les personnes ayant des cycles menstruels pouvant influencer les symptômes. Cela permet d’établir une liste des symptômes, de détailler dans quel cadre ils apparaissent, leur durée, leur intensité, etc. Puis viennent les auto-évaluations, (celles utilisées dans la recherche ainsi que celles rendues accessibles par des associations) et l’interprétation des résultats. Enfin, il faut vérifier si l’ensemble des symptômes ne pourrait pas correspondre à autre chose.
Les communautés
Les forums et les groupes de soutien en ligne offrent une communauté où les individus peuvent partager leurs expériences et trouver du réconfort. Ces plateformes peuvent renforcer le sentiment d'appartenance et de compréhension, souvent absent dans leur environnement immédiat. Ces communautés permettent également d’avoir accès à des conseils pour le quotidien et des recommandations de professionnel·les aux listes d’attentes courtes et qualifié·es comme “safe” pour cell·eux qui ont perdu confiance envers le corps médical.
Les risques de l’auto-diagnostic
Les erreurs de diagnostic
Les symptômes de nombreux troubles psychologiques et neurodéveloppementaux peuvent se chevaucher. Par exemple, le trouble d’anxiété généralisé peut partager des symptômes avec le TDAH , comme la difficulté à se concentrer. La dépression peut aussi présenter des symptômes similaires à ceux des troubles anxieux, tels que l'insomnie ou la fatigue. Sans une évaluation professionnelle, il est facile de se tromper sur le diagnostic.
Les troubles psychologiques sont complexes et multifactoriels. Un diagnostic précis nécessite généralement une évaluation approfondie, incluant des antécédents médicaux, des évaluations psychométriques et parfois des observations cliniques sur une période prolongée.
L’automédication
Se diagnostiquer soi-même peut donner un faux sentiment de contrôle et de compréhension, dissuadant ainsi les personnes de consulter un·e professionnel·le. Cela peut retarder l'accès à un traitement approprié et efficace, aggravant potentiellement les symptômes et la condition générale de la personne.
Certain·es peuvent être tenté·es de s'automédiquer sur la base de leur auto-diagnostic. Cela inclut l'utilisation de médicaments sans prescription ou l'adoption de thérapies non validées. L'automédication peut non seulement être inefficace, mais aussi dangereuse, entraînant des effets secondaires graves et des interactions médicamenteuses non surveillées. Adopter des stratégies d'adaptation qui ne sont pas adaptées à leur condition c’est également persister dans une errance en attendant des résultats.
L’isolement médical et social
L’auto-diagnostic peut aussi conduire à un isolement social. Les personnes peuvent éviter de discuter de leurs symptômes avec des proches, pensant qu'iels doivent gérer leur condition seul·es. Cela réduit les opportunités de soutien social et professionnel, essentiels à la gestion des troubles psychologiques et neurodéveloppementaux.
Pour conclure : la tendance croissante vers l'auto-diagnostic s'explique par une combinaison de facteurs économiques, sociaux et structurels. Le coût élevé des consultations et des diagnostics, les longues périodes d'attente, le jugement de certain·es professionnel·les de santé, et l'accès facile à l'information en ligne sont autant de raisons qui poussent les personnes à chercher des réponses par eux-mêmes. Bien que l'auto-diagnostic puisse fournir une première piste de compréhension, il est nécessaire d’avoir conscience des enjeux qu’une telle démarche implique. Et il est important de garder en tête que consulter des professionnel·les pour une évaluation officielle et un traitement adéquats sont des objectifs qui permettront une amélioration de la qualité de vie par des biais reconnus.